Comité d’utilité publique de la SIM, séances du 19 février au 3 mai 1869
-
- Archives de Mulhouse
informations détaillées
-
- Comité d’utilité publique de la SIM, séances du 19 février au 3 mai 1869
-
-
Auteur : Frédéric Engel-Dollfus, secrétaire du comité
Commentaire : Le comité d’utilité publique se réunit à 10 reprises, chaque lundi (sauf les 22 et 29 mars) en fin d’après-midi, du 19 février au 3 mai 1869, pour débattre de la nouvelle loi en projet sur le travail des enfants. Les différentes positions s’expriment librement jusqu’au moment du vote et semblent retranscrites de façon assez fidèle. Chaque réunion est sommairement analysée ci-dessous :
- 19 février (p. 57) : Frédéric Engel-Dollfus évoque les « dissentiments » qui se sont exprimés entre SIM, chambre de commerce (cf. rapport, 11 décembre 1867) et comité de surveillance du travail des enfants (Cf. Courrier du Bas-Rhin, 16 juillet 1867) et plaide une nouvelle fois pour le demi-temps (ou demi-journée) pour les 8-12 ans. Il fait allusion à différents courriers reçus, notamment une lettre d’ouvriers du Lancashire, et souligne la nécessité d’étudier la question du travail des enfants à fond.
- 26 février (p. 58-59) : Adoption d’un programme de travail ; relecture de documents concernant le travail des enfants, en commençant par la proposition Bourcart de 1827. Premier accrochage entre F. Engel-Dollfus et G. Steinbach qui fait remarquer que ces ouvriers du Lancashire pourraient bien être des organisateurs de grève.
- 1er mars (p. 59-60) : Relecture des documents dont est donnée une liste.
- 8 mars (p. 60-63) : Émile Burnat, ingénieur chez DMC, évoque la législation badoise en préparation. On passe ensuite au premier point : faut-il abroger la loi de 1841 ? Le fabricant de papier peint, Ivan Zuber, et l’indienneur Georges Steinbach sont contre, mais demandent certaines modifications. Achille Penot convainc le comité que cela revient à demander l’abrogation, ce dont il convient finalement à l’unanimité. On passe ensuite à la discussion des articles : art. 1 : unanimité pour étendre la loi à tous les types d’atelier ; art. 2 : constat d’un désaccord entre ceux qui veulent élever la limité d’âge à 10 ans et ceux qui veulent la maintenir à 8 ans.
- 15 mars (p. 63-67) : Pour la limite d’âge, il est décidé de distinguer les usines mécanisées des autres, d’où la question : à quel âge peut-on admettre les jeunes enfants dans les filatures ? Jean Dollfus, patron de DMC et maire de Mulhouse, demande le maintien à 8 ans avec réduction à 6 h de travail, ce qui est la position de la SIM depuis 1847 ; son gendre, Frédéric Engel-Dollfus, lui rétorque qu’en Suisse et chez Steinheil-Dieterlen à Rothau (Vosges), on n’admet pas d’enfants de moins de 12 ans ; Georges Steinbach compare la durée du travail en France et en Angleterre (ce qui n’est pas la question posée) ; Auguste Dollfus, patron de filature et président de la SIM, opte pour 8 ans ; Albert Tachard, Achille Penot et Ivan Zuber évoquent la santé et les risques d’accident pour reculer la limite d’âge ; le Dr Weber appuie Jean Dollfus, mais avec une limite à 9 ans ; s’expriment également le filateur Lazare Lantz et le chimiste Gustave Schaeffer. Finalement le vote donne des résultats contrastés, mais la limite à 10 ans l’emporte à la majorité relative de 8 voix sur 19 votants (à noter que Jean et Auguste Dollfus ne sont pas du tout suivis).
- 5 avril (p. 67-72) : La séance commence par un affrontement surprenant, statistiques à l’appui, entre Jean Dollfus et son gendre Frédéric Engel-Dollfus sur les risques d’accident dans les filatures. Le premier est clairement désavoué par plusieurs intervenants, dont Émile Burnat. L’extension de la limite de 10 ans à tous les établissements mécanisés est combattue par Georges Steinbach, mais après discussion (Schaeffer, Zuber, Tachard, Penot), adoptée. Suit une discussion sur la durée du mi-temps demandée aux enfants de 10-13 ans. Ivan Zuber demande 7 h et obtient satisfaction. Mais de quand à quand ? Après plusieurs votes douteux, 6 membres sur les 9 restant se prononcent pour le statu quo par rapport à la loi de 1841, c’est-à-dire 5 h-21 h.
- 12 avril (p. 72-78) : Après le rappel de toutes les questions restant à examiner, Engel-Dollfus revient sur la discussion du 15 mars sur les accidents du travail chez les enfants : il joue d’une certaine façon l’apaisement en dédramatisant, mais confirme son analyse en s’appuyant sur des statistiques de… DMC. D’autres statistiques sont fournies sur le travail des enfants dans 7 filatures de Mulhouse et chez DMC en distinguant les ateliers « sans la main » et « à la main » (où ils restent nombreux). Si le principe du mi-temps pour les 8-13 ans dans les établissements non mécanisés est adopté, Ivan Zuber propose la journée entière à partir de 11 ans car le travail « intermittent et varié est un véritable jeu pour les enfants » (p. 75) ; rien n’empêcherait ensuite d’aller 1 h à l’école. Cette suggestion lui vaut une réponse assez vive d’Engel-Dollfus qui estime que la responsabilité de l’industrie est engagée quant à l’ignorance des enfants notamment dans l’impression qui travaille par intermittence (à noter la présence dans le registre d’une lettre de Zuber, datée de Paris le 23 avril 1869, probablement adressée à Engel-Dollfus dans laquelle il explicite sa position). Steinbach défend l’instruction des enfants des villes par rapport à la campagne, Zuber les écoles de fabrique. Puis Achille Penot recentre le débat sur les limites d’âge en préconisant de s’en tenir à 8-13 ans tandis qu’Auguste Dollfus veut revenir aux 8 h pour les 8-12 ans de la loi de 1841. Un nouveau vote permet de dégager 5 voix pour 8-13 ans, sur 8 votants (Steinbach ne prenant pas part aux votes du moment qu’il s’agit de mi-temps).
- 19 avril 1869 (p. 1-4) : Quelles mesures pour obliger les enfants d’aller à l’école avant 13 ans ? Achille Penot fait adopter sans grande discussion un texte prévoyant que l’enfant apporte à l’usine un certificat scolaire renouvelé tous les 15 jours sous peine d’exclusion immédiate. Au-dessus de 13 ans, les enfants ne seront admis la journée entière (12 h) que s’ils savent, lire, écrire et compter. Par ailleurs, maintien du livret, pas de certificat médical, interdiction du travail de nuit avant 13 ans. Pour les 13-16 ans, Steinbach plaide une nouvelle fois sur les spécificités de l’impression, au rythme très irrégulier, qui doit travailler « le soir tard pour terminer des commissions pressées ». Mais le comité veut des garde-fous : pas plus de 14 h sur 24 h et à titre exceptionnel !
- 27 avril (p. 4-5) : L’examen des articles de la loi de 1841 se poursuit : maintien de l’interdiction du travail le dimanche ; discussion sur l’opportunité de modifier la loi par voie réglementaire.
- 3 mai (p. 5-8) : Faut-il limiter le travail des filles et des femmes autrement que les adultes ? Auguste Dollfus révèle que la note de Jean Dollfus sur la réduction à 11 h du travail des femmes (Courrier du Bas-Rhin, 16 juillet 1867) a été interprétée comme étant la position de la SIM. A la presqu’unanimité, le comité répond par la négative à la question posée, mais veut l’interdiction du travail de nuit (8 h) pour les femmes et les enfants. Sur l’inspection, plusieurs membres rappellent la totale inefficacité du bénévolat, mais le Dr Weber et Steinbach s’élèvent avec force contre des inspecteurs salariés. Le vote de la majorité, à laquelle se rallie Auguste Dollfus, est sans surprise. Le comité expédie ensuite rapidement le régime des infractions et la juridiction qui devra en juger. Le Dr Penot est chargé du rapport.
-
-
- ark:/35228/006861
- UHA_PHOTOTHEQUE_861
-
- 1869
-
- Comité d’utilité publique de la SIM, séances du 19 février au 3 mai 1869Engel-Dollfus, Frédéric (1818-1883)
-
- Fonds de la Société Industrielle de Mulhouse – CERARE, séances du comité d’utilité publique du 19 février au 3 mai 1869, p. 57-78 et 1-8, 96 B 1545
-
- historique:PHOTOTHEQUE:861